Le rôle de ma vie - Casting Involontaire
24 avr. 2018Il m’est impossible de compter le nombre de fois où je me suis gaussée des rares étrangers jouant dans les séries japonaises, tout en rêvant secrètement d’être à leur place. Jamais je n’aurais imaginé que cela arriverait un jour sans même l’avoir cherché.
Lorsqu’en janvier dernier une équipe de tournage nippo-coréenne en recherche de location débarque au café où je travaille depuis deux ans, je leur montre joyeusement nos locaux. Ayant appris le japonais par mimétisme en grande partie par le visionnage d’une quantité indécente de séries télévisées à une époque où mon weekend commençait le jeudi midi et où rien au monde ne m’aurai fait lâcher mon écran d’ordinateur branché en permanence sur des sites consacrés aux « Drama » japonais, je suis réellement enthousiaste.
Action !
J’imagine déjà les câbles parcourant le sol, les caméras en tous sens, les projecteurs braqués sur une équipée de filles et de garçons trop pomponnés pour être réels, le drame sentimental se déroulant à grand renfort de surjeu et de larmes, tandis que je valse pour servir des cafés.
Coupé, on la refait, qui a éternué ?!
Finalement, trop européen à leur goût, notre établissement n’est pas retenu. Il faut quelque chose de plus japonais, de plus traditionnel, de plus nostalgique. Quelle déception. C’est sûr qu’avec ses étagères de bouteilles de vin et de bières du monde entier, ses tables et comptoirs en bois recyclé, ses murs en béton lissés et fausses briques rouges, l’ambiance du café se rapproche plus du pub londonien hipster que du Japon vintage
des années 30.
Coup de coeur à Nagoya
Mais la scénariste coréenne est charmée. Dès lors, elle revient régulièrement pour enrichir son histoire, assise avec une boisson chaude, observant les clients, s’imprégnant de l’atmosphère bon enfant de l’auberge de jeunesse. On discute de tout et de rien, de la vie à Nagoya, de son métier, de notre apprentissage respectif de la langue nippone. Une belle rencontre. J’aurais aimé qu’elle soit là plus longtemps, tapant sur son clavier avec l’air appliqué, relevant parfois la tête pour me décrocher un sourire lumineux avant de commander un autre café. Mais il ne s’agit que de retouches de texte, me dit-elle, et ses visites s’arrêtent bientôt. La rêverie s’évapore peu à peu.
Après tout, ce n'est pas la seule chance que pourrait avoir le café d'apparaitre sur l'écran. Il arrive régulièrement quelques journalistes et chaines de télévision pour faire un reportage sur la puissance montante de ces endroits qui proposent le mélange culturel sans préjugés, encore si marginal dans l'archipel. La prochaine fois peut-être.
Pourtant, je reçois quelques semaines plus tard un coup de fil extraordinaire. Celui qui n’arrive d’ordinaire que dans les comédies romantiques américaines au scénario bradé que l’on regrette d’avoir regardé aussitôt le visionnage terminé.
« Je t’ai regardé travailler en écrivant mon scénario, j’ai écrit un rôle pour toi.
Accepte, s’il te plait ! »
Sans blagues, ça arrive vraiment ce genre de choses ? Etre repérée telle quelle sans se rendre à des listes interminables de castings sans lendemain, pour le personnage que l'on est dans la vie quotidienne, sans maquillage et en habil de cuisine ? Vraiment. Ah ben oui, visiblement. Je n'en reviens pas.
Mais sans trop d'autres informations, je me dis que s’il suffit d’être la française sans nom dans l’arrière arrière-plan, celle qui boit un verre de vin et dit éventuellement bonjour à l’héroïne avec un accent à couper au couteau, cela devrait être amusant. Un petit rôle de figurante dépersonnalisé et sans conséquence.
Je me rend donc d'un pas léger vers les auditions.
Je me suis trompée. Appelez-moi Bénédicte.
Ferais-je une actrice méritant le jet de tomates ?
Qui donc seront les starlettes en tête d'affiche ?
Vais-je survivre au rythme de tournage ?
La suite au prochain épisode sur Rill'in Japan !