Prendre un café à Ise [Partie 3]
11 mars 2013<<Article partie 1>>
<< Article Partie 2>>
Une fois revenue de mes péripéties en territoire sauvage, je me dirige vers l'île aux perles de Mikimoto, que l'on rejoint via une passerelle couverte depuis le port.
L'emblème de la ville de Toba, c'est la loutre. Car comme elle, les femmes japonaises plongent depuis des siècles pour récupérer les coquillages dans le ventre de la mer. Et c'est aussi ici qu'en 1893 furent testés avec succès les premiers essais de culture de perles. La baie est parsemée de filets de perliculture, et le centre-ville regorge de magasins de bijoux nacrés. J'ai envie de faire un tour au musée certainement passionnant de la perle, et surtout d'assister à une démonstration de pêche au coquillage par les Ama, les femmes-pêcheuses.
Une poignée de touristes et moi nous installons sur un promontoire et regardons de loin venir un petit bateau, tandis qu'une hôtesse souriante en tailleur rose nous raconte au micro la légende des femmes de la mer. D'après l'histoire japonaise, cette coutume existerait depuis deux mille ans. Ce métier n'est plus aujourd'hui pratiqué que par tradition par des pêcheuses dont la moyenne d'âge augmente dramatiquement chaque année. Tandis que trois femmes en combinaison de coton blanc se préparent à plonger du bord du bateau dans les vagues sombres, la voix suave et douce heureuse nous explique qu'aujourd'hui la mer à 8°C les empèche de pêcher plus de quelques minutes, et que si leur vêtement est blanc, c'est pour faire paraître leur corps plus gros et ainsi effrayer les requins.
Merveilleux.
J'ai envie de leur hurler de changer de job, au moins travailler au supermarché, c'est climatisé.
C'est tout de même magnifique et incroyablement courageux. Moi je regrette de ne pas avoir mis second collant et un quatrième t-shirt en me levant ce matin.
Je prends ensuite le bus pour Futami, la petite ville au nord. J'aurais aimé visiter l'aquarium, mais à 2300¥ l'entrée, je m'en passe. A la place, je me promène dans la galerie commerçante attenante et je goûte à tous les échantillons possibles. Je mange a sasiété quantité poissons grillés, algues marines marinées, coquillages fris et autres préparations non-identifiées. Quand c'est bon, j'entame la discution avec le vendeur pour avoir le temps d'en manger plus.
Un autre but de ma visite est de grimper sur le Mont Otonashi pour regarder le panorama, mais il fait gris et le haut du plateau est enveloppé de brouillard. Je renonce. Adieu mes rêves de rencontre surplombant l'océan au soleil couchant, si possible yeux en amandes, cheveux cours, avec sac-à-dos multi-poches et chaussures à crampons.
"Il fait froid, vous voulez du café ? - Ah oui, merci"...
Je me rabats donc sur le dernier point de ma prévision de PSE* (*Parcours-Sans-Embûches):
Les rochers mariés "Meoto Iwa".
Ces deux rochers reliés par une corde de paille de riz qui pèse plusieurs tonnes, symbolisent le couple marié. Les japonais aiment la poésie. L'endroit regorge d'amoureux et de bandes d'amis plus ou moins jeunes, et je me sens cruche. Ce n'est visiblement pas le genre d'endroit que l'on visite seul, étranger ou non. D'ailleurs il semblerait que tout le monde l'ai remarqué, puisque je sers de photographe tous les dix pas.
L'endroit est très connu car en été, le soleil se lève entre les deux rochers, et en hiver c'est un lever de lune que l'on peut regarder se lever entre les amants de pierre.
Nous somment au début du printemps, j'ai donc choisi la meilleure saison pour ne rien voir tout en finissant congelée.
Je me balade encore un peu, je profite des rues vides, je traine dans les magasins. Je m'arrête manger un Ise Udon, un plat de nouilles de riz très épaisses et moelleuses dans une sauce brune. Un régal. Et dans un timing parfaitement calculé et réglé au poil de phoque près, je reprends le bus pour Ise, puis le train pour Nagoya, et enfin le métro jusqu'à chez moi.
Ise, Toba, Futami c'est vraiment magique.
En été certainement.