Mini-short et Yakitori
13 août 2012Dimanche, milieu d'après-midi. J’ai fini mon grand ménage et suis en train d’écrire un nouvel article, quand mon téléphone d'étranger premier prix, sonne. C’est une jeune collègue de boulot, une chinoise très sympa au japonais irréprochable, qui me demande si je suis libre pour aller manger ensemble. Très enthousiaste, je réponds oui et me prépare à une soirée sympa en ville.
L'élégance Japonaise
A l’heure où elle vient me chercher, je découvre avec stupeur au pied de mon appartement, une imposante berline blanche avec chauffeur… qui n’est autre que notre PDG !
Je réalise donc avec horreur que la gentille collègue qui me fait coucou depuis la fenêtre fumée, n’est autre que la femme du directeur. Deuxième choc : nous nous dirigeons tout droit chez eux.
Et l’idée affreuse d'être assise mon mini short élimé et rapiécé sur un siège en cuir noir et rouge rehaussé d’acajou, me rend malade de honte. Je tire tant bien que mal dessus, pour l'empêcher vainement de parraître trop court, réajuste le col bénitier orange sur mes épaules. Rien à faire : J'ai les cuisses à l'air et le décolté pigeonnant. Ajoutez à cela une casquette en jean et une coupe de cheveux archi-avant-gardiste : j'ai la panoplie complète d'une jeune dépravée. J'aurais dû monter dans le coffre.
La maison ne déshonore en rien le carrosse en grandeur et en élégance. Les toilettes encadrées de marbre noir, font presque la taille de ma chambre et le couvercle se lève automatiquement à mon entrée dans la pièce (Ne manque que la symphonie n°9 de Beethoven, et je me croirais chez Mr Tanaka, comme dans « Le hérisson »). Pour patienter, Madame me propose un jus de mangue-orange et des truffes en chocolat en regardant le Japon gagner au golf. Tel un ourang-outang à la cours du Roi Soleil, j'ai l'impression de salir le canapé en cuir blanc rien qu'en y posant mon rustre séant.
Je fais de mon mieux pour parler dans le beau japonais que je connaisse, et me ravir de tout. Mais quelle merveille cette table en marqueterie fine. C'est vraiment adorable ce portrait de chien pekinois. C'est le vôtre ? Ah, Juste pour faire joli. Ravissant oui. Mais quel salon lumineux, il doit y faire bon passer un après-midi entre amies. Personne ne vient jamais ? Ah. Merci de votre invitation. Puisque vous insitez je vais reprendre une truffe. Il met un peu de temps à revenir du garage le PDG, non ? Il est en train de désseller les 1200 chevaux du moteur ? Hin Hin Hin.
Ne pas parler du fait que depuis une semaine, le travail manque cruellement à l’atelier, et que je dessine sous Illustrator, avec les encouragements de mon supérieur… Ni que je n’ose pas enlever mes pantoufles sur le tapis comme elle me propose de le faire, parce que mon vernis hideux est tout écaillé, alors que le sien est parfait, avec de petits diamants au milieu de chaque ongle d’orteil…
Allons manger des Yakitoris
A 17h30 précises, un taxi vert à l’habitacle recouvert de dentelle blanche vient nous chercher, et encore une fois, mon derrière à demi recouvert de jean me fait rougir. Le chauffeur nous dépose très vite devant un minuscule restaurant de yakitori (brochettes de poulet grillé), à mon grand soulagement. Je ne saurais jamais si Mr le Directeur n'avait pas prévu un restaurant gastronomique étoilé tout-à-fait dans le style de sa berline, avant de se raviser devant mon look de fourvoyée et choisir une gargotte plus populaire.
Les cuisiniers sont très gentils, il y en a même un fan des girondins de bordeaux, ah oui vraiment, c'est super mais je ne connais rien au foot désolée. La langue de mes hôtes se délie au fur et à mesure que les pintes s’alignent devant eux. J’apprends alors que ma bonne humeur est remontée jusqu’au patron et que c’est pour cela qu’il a tenu à m’inviter au restaurant. Que ma coupe de cheveux fait pâlir plus d’une employée, à cause de mes boucles naturelles. Ma charmante collègue devient électrique, et me propose de finir la soirée au karaoké.
A ce moment-là, j’ai déjà bu une pinte et deux cocktails très légers. Pour moi qui ne bois jamais, c'est déjà un palmarès respectable. Mais un karaoké au frais du patron, cela ne se refuse pas. Vu l’état d’ébriété de mes compagnons, et du nombre de sujets déjà abordés au fil des brochettes de poulet, je m’attends à ce que la soirée soit bien avancée, et qu’il fasse nuit lorsque nous prenons le chemin du métro.
Il est en fait 19h45. Le soleil se couche à peine.
Passer la soirée au Karaoké
L'établissement choisi est celui mon quartier. Tant mieux, je pourrais rentrer à pied. Ce qui au vu mon état d'ebriété actuel, risque de s'averer nécéssaire afin de dégriser. Me voilà demandant le coktail le plus léger : On me répond "Lemon Sour". Il y avait de l'alcool là-dedans ?
Le karaoké, c'est mon dada. J'adore épater la galerie avec des tubes japonais des années 80. Je me défoule, on me laisse le micro. L'alcool aidant, le couple commence à se tenir la main et à se regarder avec passion. Ma voix atteint des sommets. Une fois mon répertoire japonais essouflé, j'enchaine avec tous les trucs anglais qui me passent sous le main. Shania twain, U2, Céline Dion…. Tout y passe. Le champion du karaoke de quartier n'a qu'à bien se tenir, Rill est dans la place ! Si je chante faux, je ne m'en rend plus compte. Les amoureux qui s'embrassent non plus. Cela commence à devenir gênant. Dailleurs en y repensant, si javais été japonaise, cela aurait été déplacé depuis plusieurs heures déjà. Mais un micro à la main me rend sourde et aveugle. Puisque c'est tout frais payés, je continue à chanter.
A la fin de la soirée, il ne me reste qu’une centaine de mètres à parcourir afin d’être chez moi. Je marche encore droit, mais ce n’est pas le cas de ma collègue éméchée qui se retient au bas son mari joues rouges et sourire agard. Une bouteille d’eau près du lit, un doliprane et je me suis endormie toute habillée à 22h00. Tu parles d'un record en carton.
A la reprise du travail la semaine prochaine, il faudra que je fasse comme si rien ne s’était passé. Comme si je n’avais jamais vu le PDG embrasser sa femme sur la bouche, comme si je n’avais jamais su qu’elle chantais complètement faux, et comme si elle ne m’avait jamais pris dans ses bras en me susurrant que les hommes japonais étaient trop sérieux et pas assez romantiques.