Je me suis couchée tard
02 déc. 20121er décembre 2012
Cela fait déjà quatres mois que je déambule à Nagoya. Le temps passe. Vite ou lentement je ne saurai dire, mais c'est un fait, il passe.
Il y'a trois mois, à la fin de mon stage en usine, j'ai tout envoyé valser. Je me suis lancé avec élan et sourire dans la vie, la vraie. Celle avec un vrai loyer et de vraies charges. Celle pour laquelle un travail et la condition n°1 de la réussite. Le baume au coeur, de l'énergie à revendre, j'ai profité de ma liberté, bondi de bon-coeur sur toute activité offerte, rencontré des gens, voyagé, pris quantité de photos.
Mais au bout d'un mois et d'une tentative avortée de travail, je cherche toujours. Bon, un mois sans trouver de travail, c'est pas la fin du monde, on est bien daccord. Ca arrive à des gens trés bien.
Mais je doit admettre que je vais de désillusion en désillusion quand à mon réel niveau en Japonais. Après avoir étudié si longtemps (plus ou mois sérieusement, je l'admet), remplis quantité incroyable de paperrasse, convaincu tant de gens importants de ma légitimité, fait le voyage jusqu'ici, s'être dépatouillée plutôt bien dans la jungle urbaine et officielle; s'entendre dire que l'on ne sais pas parler, ça crève le coeur.
Vérité ou excuse bidon de recruteur, je crois que c'est un peu des deux.
Comment ça, j'ai pas le niveau pour faire déguster des morceaux de carottes aux ménagères de plus de 30 en leur vantant les mérites de la vitamine C sur la couleur de leur fesses ?
Comment ça, ma voix n'est pas assez suave pour laver des plats à sushis dans l'arrière-cours d'un restaurant qui refoule la marée à deux kilomètres ?
Comment ça, je suis pas suffisament polie pour distribuer des paquets de mouchoirs publicitaires à des adolescents qu sèchent les cours pour faire du shopping en centre-ville ?
Comment ça, ma faculté de communication ne me permet pas de sourir et d'appuyer avec classe sur les boutons d'un ascensseur tout au long de la journée ?
C'est mes frisettes sur la photo de mon CV qui vous déplaisent ? Vous avez peur que mes yeux verts si magnifiques ne ramènent que des hommes dans la galerie commerçante, et pourrissent le commerce de serviettes hygiéniques ? Bon remarque vous n'avez eu que ma voix au téléphone.
Mais quoi alors ? Puisque je n'ai même pas le droit à un entretient.
Et zut.
Pour la peine, c'est moi qui ai entamé le calendrier de l'avant de la colocation.
...
Non ça c'est juste par gourmandise. Encore 7 jours et je pourrait en manger un deuxième.
...
A moins que quelqu'un n'oublie le sien...
Dimanche 2 décembre
Ce matin je me lève tôt. A midi, je vais passer le JLPT. Un test internationnal qui permet de justifier son niveau en japonais. Je ne passe que le niveau 4 car je n'ai tout simplement pas la capacité de viser plus haut, avec mon niveau en idéogrammes digne d'un élève de grande section. Pour tout dire, je ne suis même pas sûre de le deccrocher, mais j'ai déjà le diplôme juste en-dessou (soit dit en passant, le plus bas), et chaque coup de pédale dans le froid pastel de cette matinée est un encouragement à moi-même.
J'ai envie de pleurer.
Je pleure beaucoup ces temps-ci. Pour rien en général.
- Tiens, il est bon ce chocolat... chocolaaat...!
- Mon frigo est vide... viiiiiiide...!
- Trop drole ce crabe rouge à la télé................................... craaaaaaaaaaabe...!
Je me retrouve les larmes aux yeux, submergée, à contenir ce tsunami de je-ne-sais-quoi qui sort de nulle part, complètement éplorée dans les bras de Rie qui n'a toujours rien compris à cette histoire de crabe, d'autant que j'ai pleuré quelques minutes avant lorsqu'elle m'a offert un camenbert.
L'examen se passe je ne saurais-dire comment, et je retrouve deux français sympathiques à la sortie, Samuel et Christophe, étudiants à Nagoya. Une joie indescriptible m'a renversé le coeur lorsque j'ai entendu parler français, et j'ai atteint le stade suivant de ravissement lorsque j'ai entendu "Nan mais grave, c'était plein de Pak-paks".
Il faut peu de choses.
Après un échange de facebook en règle, j'ai rendez-vous avec Yuko en centre ville pour manger un morceau et se pleindre de note vie affreusement affreuse et pleine d'affrosités. Son dernier petit boulot en date, c'est modèle pour robes de mariées. Affreusement affreux donc.
Sincèrement, ce qui me préocupe en ce moment c'est le sentiment que tout envoyer en l'air était peut-être ma pire décision. Je ne vois pas comment j'aurai pu tenir ne serait-ce qu'un mois de plus dans cet enfer méchanique, mais mon état actuel de santée mentale me poussant à accepter avec le sourire un emploi de dame-pipi à Dubin durant une épidémie de cystite alors que se déroule la semaine de la bière, m'oblige à penser que j'aurai pu. Merki.
Dans l'état actuel des choses, mes économies me permettent de rester au Japon sans travail durant les deux prochains mois. Passé ce délais, je me verrais contrainte de rentrer avant la fin du temps imparti. Inutile de vous dire, que je me met toute seule une pression suffisante pour propusler une locomotive à vapeur comme au temps de grand-père.
Affreux.
Une fois le bureau des plaintes amadoué par un bon bol de riz accompagné de tranche de lards aussi fines que du papier a cigarette et au nombre de 6, et une date de sortie réjouissante pour dans deux semaines, je rentre. En écoutant Kishi Bashi, ma dernière découverte, j'ai discute avec certains d'entre vous, de tout et de rien.
Enfin surtout de roti de chevreuil, de civet de sanglier et de terrine de lièvre.
Demain, c'est lundi.
Les nouvelles annonces d'emploi vont paraître, mais j'ai decidé que je ne les regarderais pas (ou alors, un tout petit peu). Si ma voix et mes mots au téléphone ne les convaincs pas, je vais faire le contraire.
Sautant sur mon destrier à pédale, je vais dabord cherher les offres d'emplois à même les portes de magasins (ça se fait beaucoup par ici) et leur offrir mon sourir charmeur en guise de première conversation. Je leur prouverai qu'ils avaient tort.
Mais demain, c'est demain. Et pour l'instant, ma nouvelle techinque fonctionne à merveille dans le théâtre de mon cerveau.
Je mange du camenbert.