Du vin et du miel pour Kiso
20 août 2012Faire des cadeaux de remerciement est une véritable instution au Japon et l'intention compte tout autant que la valeur marchande du produit. Je m'apprêtait à le découvrir au milieu des montagnes de Nagano.
La tradition des cadeaux au japon / omiyage
Lorsque je suis arrivée à Nagoya le 29 Juillet dernier, Mr Nishi qui habite pourtant la région de Kiso, dans la préfecture de Nagano, a eu la gentillesse de venir me chercher jusqu'à l'aéroport à plus de 4 heures en voiture de chez lui. J'avais prévu de lui offrir des Omiyage/cadeau en provenance de France, mais je n'ai pas pu lui donner à ce moment là. Aurais-je dû ouvrir ma valise à l'aéroport et sortir des conserves et du pinard de mes sous-vêtements ? Remarque avec du recul, ça lui aurait peut-être fait plaisir. Avec encore plus de recul, je me dit qu'une japonaise aurai trouvé le temps d'ouvrir sa valise après les douanes pour en sortir un sac d'emballage adorable sans une froissure et l'aurait tendu à son hôte avec une belle courbettre dès l'arrivée. Débutante.
Toujours est-il que deux semaines plus tard, je n'ai toujours pas revu cet homme pour lui remettre mes cadeaux. Notre contact commun en France m'a remis à son attention deux pots de miel hors de prix et pour ma part, j'apporte une bouteille de vin blanc sucré, du sel de guerande aux herbes et du foie-gras. Il faut donc que je trouve un moyen de lui remettre le plus vite possible, afin de ne pas passer pour une malpolie !
Seulement voilà : De Nagoya a Kiso, il y a en environ 1H de trajet et 150km, et l'aller-retour en train coûte environ quatre-vingt dix euros. Moi, pauvre stagiaire désargentée, je n'ose dépenser deux semaines de nourriture pour aller faire un cadeau. Il va cependant bien falloir s'y soumettre. Car sans cet homme des plusieurs années de chassé croisé de cartes de voeux avec une parisiènne, point de stage ni de Japon. Diantre.
Le plateau de Kaida, Kiso, Prefecture de Nagano
Profitant de la fermeture annuelle de mon entreprise à l'occasion de la fête nationnale du Obon (Toussaint japonaise en pleins mois d'août), je décide tout de même,la mort dans l'âme et dans le portemonaie, de prendre le train pour aller directement chez Mr Nishi . Le monsieur est vice directeur d'un Golf Country Club sur le plateau de Kaida, sa femme gère un Ryokan (hôtel traditionnel) centenaire. Moi qui comptais faire l'aller-retour dans la journée, me voila invitée pour la nuit, et remboursée du trajet par la même occasion. Quelle aubaine !
Je découvre donc la vallée creusée par la rivière Kiso, ce torrent qui charrie des rochers énormes à chaque fonte des neiges, la floppée de tunnels entre chaque vallée dorée et baignée de soleil montagnard, puis la coquette auberge transformée celon les besoins au fil des générations. C'est une habitation traditionnelle qui a plus de 200 ans, me raconte-t-elle avec fierté.
Et c'est magnifique. Du bassin avec les carpes, à la rangée de chaussures dans l'entrée, à la salle à manger aux canapés en velours ultra-moelleux, à la salle de bain commune... Un vrai petit paradis caché au cœur de la vallée.
Comme c'est les vacances d'été, toute la famille est là pour profiter du climat plus doux des montagnes. Y compris les quatres petits enfants qui crapahutent en tous sens, me montrant tantôt leur cartes de jeux, tantôt leurs scarabées et autres crabes attrapés dans la campagne environnante. On se croirait dans "Summer Wars", le très bon film d'animation de Mamoru Hosoda.
Le repas est un vrai délice et le bain avec les enfants, un vrai moment de partage. Et lorsque, enfin, ceux-ci semblent être calmés et prêts pour le lit, grand-pere (Mr Nishi) propose de faire des feux d'artifices... Manqué. De nouveau c'est la débandade, l'effervescence, et les rires emplissent une nouvelle fois la maison.
Une fois les diables épuisés et couchés, nous nous installons confortablement sur les canapés moëlleux à souhait. Sujets divers et variés, photos de familles, et anecdotes s'enchainent doucement au fil de la discussion, que je ne comprend qu'à moitié. Au moment de montrer les photos de ma vie en France, la carrure de mon papa motard fait des émules : Mais c'est Russel Crow! Tiens celle-là on ne me l'avait jamais faite.
La fille de Mr Nishi me propose gentiment de venir chez elle à Gifu la prochaine fois, pour aller voir la pêche au cormoran.
C'est donc comblée que je monte me coucher dans la magnifique chambre traditionnelle. Futon traditionnel (matelas), portes coulissantes et fenêtres en papier, le tout fourni avec un joli yukata (kimono léger), et le chant des grenouilles pour berceuse. Je m'allonge en soupirant, et...
Dormir sur un futon japonais
Impossible de fermer l'œil.
A tous les coups j'ai l'estomac trop plein... Ou alors c'est la faute du futon trop dur pour mon dos fatigué... Ou c'est certainement que je suis trop surexitée...
Et finalement les trois à la fois. La nuit semble longue, et finalement trop vite chassée par le bruit sourd de la course des enfants dès le point du jour.
Apres un déjeuner copieux, le fils judoka avec qui j'ai discuté de sport la veille, me propose une petite surprise. Et nous nous rendons... dans un centre équestre ! En effet, la région de kiso possède une race particuliere, le Kiso-Uma (littéralement le cheval de Kiso), dont je vous raconterais l'histoire une autre fois. Inutile de préciser que j'étais aux anges !
Nous avons ensuite rendez-vous au Golf de Mr Nishi pour prendre le café. Ce golf est situé au milieu des montagnes, et beaucoup de gens font un long trajet pour venir profiter du calme et du climat frais de ses parcours avec vu sur le Mont Ontake, notamment le patron de mon entreprise (souvenez vous... celui du karaoke !). De chaque coté de la route, les cosmos sont déjà en fleurs, et les champs de soba (sarasin, spécialité de la région) atteignent une taille impressionnante. La région est d'un vert profond qui remplit le coeur et l'esprit.
Et puis c'est l'heure de partir, car ryokan oblige, huit invités sont attendus pour le repas, et les préparatifs sont énormes. Je dis donc "au revoir" à tout le monde, promet de revenir à un moment plus calme, et à Kazuki de ne pas oublier ma console nintendo pour que nous puissions échanger des pokémons !