Un petit texte pour vous faire patienter, car un pleine periode d'examens universitaires, je peine à terminer les articles que j'ai commencé..

Quel âge avais-je ?

 

Aujourd’hui surfant d’un lien à l’autre je suis arrivée sur une page parlant de la génération Y, cette tranche de population à laquelle je suis rattachée par mon année de naissance dans un pays occidental. C’est vrai, je me retrouve bien dans la description faite de ces individus natifs de l’ère digitale qui ont grandi avec internet comme encuclopédie de référence. Cliquant sur le lien «pokémania» en bas de page, je suis alors prise d’une vague de nostalgie. Dans l’article, est évoqué la folie des cartes à jouer, c’est là que mon cœur fait une embardée et qu’un sentiment de chaleur bienveillant m’envahis.

 

Ce devait être dans les années 2000. Dans la cour de récré, c’était la folie : Les Pokémons étaient partout. Moi, cheveux courts, jean, basket et sweat élimés, je n’y avais pas échappée. Bien que mes parents résistaient, stoïques face à la déferlante, je marchandais, négociait et gagnait des cartes auprès de mes camarades de jeux. Avec un investissement de départ de rien du tout, je m'était constitué une jolie collection. 

 

A cette époque, comme tout au long de ma jeune scolarité et avant mon entrée au centre aéré le mercredi, je passais régulièrement des journées solitaires chez mes grands parents. Je garde de ces séjours un souvenir confu, peuplé de parties de petits chevaux avec ma grand mère et ses recettes de riz au lait, de genoux écorchés en roller sur les dalles de l’allée, de chattes dont tout le quartier possédaient les rejetons, de bracelets en fils de laine tressés, et de l’odeur de pipe et de cigares de mon grand père qui imprégnait la maison.

 

Le mercredi matin Papi-chat sortait avec sa Clio blanche, acheter le pain et le steak-haché du midi que Mamie-chat accommoderait avec des haricots verts ou des petit-pois. Le déjeuner se faisait sans trop de bruit, avec à ma gauche, la petite gamelle servant à mettre les déchets destinés à la chatte angora de la maison, qui mangeait consciencieusement depuis sa chaise, les deux pattes bien alignées sur la table.  Mon grand-père, sévère, s’efforçait de m’apprendre les bonnes manières: Manger les petits pois sur le dos de la fourchette, ou éplucher les poires avec ses couverts « comme dans les châteaux ». L’enseignement était-il sérieux ? 

 

Je n’ai  jamais vraiment su comment m’adresser à lui. Je le regardais, avec ses cheveux gris coupés en brosse et son autorité incontestable de chef de famille, avec un mélange d’admiration et de peur. Je trouvais incroyable qu’un adulte si sérieux puisse s’amuser dans son garage à reproduire des champs de bataille en polystyrène pour ses soldats en plastique, auxquels j’avais bien entendu interdiction formelle de toucher. Si nous avons jamais discuté, je n’en ai aucun souvenir.

 

Mais je garde en mémoire, à l’encre chaude, ce jour où revenant du bureau de tabac, la baguette sous le bras, il me tendit un paquet brillant. C’était une pochette de cartes Pokémons. Et pas n’importe lesquelles : les plus chères. Je me souviens avec émotion de la gratitude que j’ai éprouvée à son égard ce jour-là. Tant de force qu’elle me retourne l’estomac aujourd’hui encore. Je me rappelle aussi la déception lorsque j’ai réalisé que ce n’était pas celles que je collectionnais, et que je n’aurais personne à qui les échanger dans la cours de récré. Gamine ingrate. Mais si jeune que j’étais, j’imaginais mon Papi-chat, en train de demander des cartes Pokémon à son buraliste, et celui-ci de lui vendre les plus onéreuses. Et j’éprouvais une sorte de pitié tintée d’amertume, à l’idée qu’il s’était fait rouler par son marchand de tabac. Mais l’amour me déchirait le cœur, en pensant à mon grand-père si taciturne souhaitant me faire plaisir, et dépensant sa fortune pour moi. A cette époque pour moi, 3 euros, c’était l’or la Berezina.

 

            Les autres souvenirs de ces jours se confondent. Les week-ends en famille, les invités motards prenant l’apéro dans le jardin, papa les mains dans la graisse de moteur, maman les mains dans la boite à bricolage, le kiné de Mamie-chat, la Clio nicotinée de Papi-chat, les Pokémons. Pas de doutes, j’ai l’âge de la génération Y.

Peut-être que tout vient de là.

Génération Y
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