Petit déj' en famille
29 mai 2016...Ou les joies de la colocation au Japon. Parce que vivre à plusieurs offre autant d'avantages que d'inconvénients, mais quand même un peu plus d'avantages quand tes colocs sont japonais.
Choisir sa colocation
Lors de mon année de Visa-Vacances-Travail à Nagoya, j'ai d'abord habité dans un logement individuel fourni par mon entreprise, bourré de copains sympathiques ravis d'avoir enfin une cuisinière française aux Fournaux. Des cafards. Mon cauchemar. Quittant ma boite trois mois plus tard, j'ai dû trouver un autre logement et faire mes adieux triomphants aux camarades grouillants.
J'ai donc tapé les trois mots magiques "Share House Nagoya" sur Google, et ai cliqué sur le premier lien non-sponsorisé de la page. Le lendemain j'avais mon appartement dans un bâtiment bleu des années 80 (donc considéré en état de décomposition avancée par les standards antisismiques du pays) situé à 30 minutes du centre ville en métro.
Le lien sur lequel j'ai cliqué ce jour d'octobre 2012 est celui de la société SHN (Share House Nagoya), qui est en fait administratrice de colocations. L'idée paraît absolument saugrenue pour un français habitué aux deals parfois un peu louches des contrats de baux et des dérives de la sous-location, mais ici au japon c'est tout simplement le graal. Le concept, encore novateur quatre ans plus tôt, se développe maintenant a grande échelle comme une joyeuse famille de ragondins dans un champs de maïs bio.
Je vous explique : La société achète des maisons ou des appartements et les rénove complètement, les équipant pour la vie en communauté, de 3 à plus de dix personnes. Elle les meuble, les fournis et gère ensuite les formalités administratives. Pour les étrangers pas besoin de garant ni aucune procédure compliqué, une simple caution et l'assurance de rester plus de trois mois suffisent. Le loyer est payé directement à la société, et le moindre souci est réglé dans la journée par simple appel au responsable. La société organise régulièrement des évènements réunissant les locataires des différentes maisons, permettant à chacun de bénéficier d'une vie de communauté active et aux japonais de rencontrer la femme aux yeux verts de leurs rêves.
J'ai donc emménagé dans une chambre flambant neuve avec simplement deux valises de fringues et j'ai coulé neuf mois heureux dans cet appartement, jusqu’au dernier jour de mon visa. J'y ai trouvé une vraie famille. Nous étions huit, avions tous les mêmes standards de rangement, de propreté et le goût de la cuisine. Pas de bataille pour sortir les poubelles, ni racheter du liquide vaisselle, aucune assiette sale laissée négligemment dans l'évier, ni miettes sur le canapé. Et seulement deux cafards. Un véritable paradis.
Répéter l'expérience à Kyoto
C'est donc tout naturellement que j'ai choisi de vivre dans le même environnement à Kyoto lors de mon échange universitaire. Les dortoirs de l'université, très peu pour moi ! Besoin de calme, d'hygiène, mais aussi de colocataires japonais pour subvenir à mes besoin de traduction d'idéogrammes, d'échange de recettes de cuisine traditionnelles et de douces soirées sans avoir à déchiffrer le programme télé.
Le nombre grandissant de sociétés proposant ce type de service pour le meilleur et pour le pire, je choisi de contacter ma précédente agence de Nagoya pour demander conseil, presque 6 mois avant mon arrivée dans une ville pleine à craquer d'étudiants en mal d'épanouissement communautaire. Mon ancien responsable ayant un ami à Kyoto gérant le même type d'établissement, je trouve bien vite mon hâve de paix à seulement trois kilomètres de l'Université de Kyoto.
Ô joie !
Ratatouille maison, galette de sarrasin, petit déjà' à la française... Rien est trop beau pour rendre vos colocs heureux !
La petite maison entre deux ruelles dans laquelle j'habite depuis deux mois maintenant, est la première colocation ouverte par le responsable de Expo House Kyoto il y a plus d'un an. Trois des quatre chambres sont situées au premier, avec la machine à laver le linge sur le palier. J'ai pour ma part une belle chambre en rez-de-chaussée de 12m2 dotée d'un placard encastré et de tout le mobilier indispensable à la vie de femme active : Un lit moelleux, une grande commode et un miroir plein pied.
Mes colocs m'ayant assuré ne pas avoir vu un seul ennemi rampant en un an de vie dans les locaux, je vais faire mes premières courses en pensant avec joie à un bon plat de fromage aux spaghettis. Mais m'installant fringante au plan de travail, je déchante.
Si dans l'ensemble, l'appartement semble plus que présentable, il ne fallait cependant pas y regarder de plus près. C'est-à-dire que si le ménage à été fait, il a consisté à tout pousser dans les coins avec une éponge depuis un an au moins. Diantre. C'est prodigieux. N'avoir aucun cafard malgré tout ça, cela tient du miracle.
Je cherche un vain un décapant contre la graisse. Une bouteille de javel... Du produit pour vitre ? Je comprends mieux. Rangeant mes provisions dans le frigo en prenant soin de bien les placer au centre, je mets de l'eau à bouillir. On a au moins du produit vaisselle.
C'est dans une cuisine flambant neuve, tandis que je déguste mon fromage de synthèse et mes spaghettis nipponitaliens, que le propriétaire débarque pour percevoir mon premier loyer. Il reste bouche-bée. J'en profite pour lui commander les produits susmentionnés et un nouvel aspirateur. Et deux casseroles neuves s'il-vous-plait.
Oh nostalgie.
Je me sentais fraiche, à clamer sur tous les toits, que les colocataires japonais sont les plus propres de la terre. Tu parles. Les adultes peut-être, mais trois étudiantes... Que nenni ! Cependant, prenant mon courage à douze-mains, je continue petit-à-petit à nettoyer chaque pièce de la bicoque, sol après fenêtre, plainte après étagère, dès que j'ai une matinée de libre.
Mais seulement le rez-de-chaussée. N'allant à l'étage que pour faire tourner la machine à laver, une fois les filtres, tambours et autres instruments dudit mécanisme nettoyés à grand renfort de vinaigre de ménage, pas question de toucher au reste.
En deux semaines je gagne l'affectueux et horripilant surnom de "Maman". Au bout d'un mois celui plus approprié celui de "marâtre", avec mes lunettes et mes premier cheveux blancs. Contre toute-attente, la cuisine régulière de spécialités françaises n'aide pas à faire remonter ma côte auprès des jeunes ingrates qui se contentent de se resservir et de finir les plats sans un merci. Mais au moins j'évolue dans un environnement propre, loin du développement de vie extraterrestre des dessous de commodes du palier. Et puis j'ai la reconnaissance éternelle de mon bailleur.
Je participe d'ailleurs à toutes les activités proposées par l'agence et son café privé, du plantage de riz en campagne, à la fabrication de l'alcool de prune maison, en passant par la visite de village ninja et la randonnée en montagne. La vie à Kyoto est douce, mais je me languis des transports en communs (presque) sans failles, des hommes d'affaires en costumes (sobres ou pas), et du calme non-touristique de la vie à Nagoya.
Terrible découverte. Je suis pétrifiée. Je crois que tous les signes convergent :