Comme un poisson dans l'eau
20 mars 2016Mes pieds se sont bien posés sur le sol japonais il y a quelques jours, mais je suis montée sur un petit nuage dès que j'ai passé les portes de l'aéroport.
Dans le bus qui me mène vers le centre-ville de Kyoto, je réalise à peine que j'ai vu le mont Fuji pour la première fois depuis le hublot de mon avion. Le paysage industriel d'Osaka qui défile par la fenêtre de l'autocar, à dix mille lieues de mes amours de campagne japonaise, suffit à mon bonheur. Je m'en délecte, me gave à ras bords de ces images qui m'ont tant manqué. Ma rétine ne suffit pas à collecter le nombre de données que je lui impose en plus du décalage horaire. Tout me plait. Tout m'est familier. Même l'odeur propre des banquettes me rend euphorique. Peu à peu, je pique du nez.
Mais il faut encore changer de bus, traverser la gare de bout en bout au gré de multiples escalators, trouver le bon bus parmi une quinzaine de lignes emmêlées et rejoindre mon appartement 16 arrêts plus loin, tout en laissant la place aux personnes âgées morigénant que je prend trop de place avec ma valise et mon sac. Pardon madame, vous m'en voyez désolée. Oh vous parlez japonais, comme c'est exquis, c'est très bien, continuez. Merci.
Je vais loger dans une colocation en centre-ville, à 20 minutes de la gare. A peine arrivée, je trompe la fatigue qui me harcèle par l'aménagement énergique de ma chambre au rez-de-chaussée, dont les meubles sont entassés au centre de la pièce. Le propriétaire m'explique qu'il vient de la refaire entièrement. Mais avant de m'extasier, je pose la question fatidique à mes colocataires :
- "Avez-vous vu des cafards ?!
- Depuis un an, pas un seul !" me répondent-elles en coeur.
Halelluja-Jésus-Marie-Joseph-Gloire-aux-Rillettes-Amen. Sauvée. Tout d'un coup, la propreté des lieux me cause beaucoup moins de préoccupations. Que ceux qui s'apprêtent à dire qu'il n'est jamais trop tard soient maudits sur 35 générations.
Je profite ensuite de la fin d'après-midi pour régler d'emblée mon inscription à la mairie du quartier. Contrairement à celle de Nagoya où l'employé, visiblement effrayé par mon statut d'étrangère, qui plus-est de sexe féminin, m'avait fait re-remplir quatre fois le même document à cause de quelques erreures et d'une sérieuse barrière de langage, l'adminstratif à Kyoto est bien mieux entrainé. Et pour cause, c'est la deuxième ville du Japon en terme d'habitants étrangers : 1 français sur 7 installé au Japon l'est à Kyoto. Les 5 autres sont ont choisi la vie Tokyoïte. Quant au septième restant, il est éparpillé façon confetti à travers l'archipel. (Source : diplomatie.gouv.fr)
En trente minutes top chrono, ma carte de résident est à jour. Je profite du jour qui décline pour visiter les jardins du palais impérial qui se situe sur la route que j'emprunterais chaque jour à vélo pour me rendre à l'université. J'avais tout prévu.
Mais voilà que le sommeil revient à la charge. Il est dur en affaire, le bougre ! Il faut dire qu'à ce moment précis, je n'ai pas dormi depuis près de 24heures, mon estomac refusant tout compris à dix mille mètres au dessus de la Russie. Je passe tout de même acheter quelques produits frais pour un repas léger et digeste, avant de m'éffondrer comme une masse sur mon matelas.
Après une nuit de sommeil aussi profond que réparateur, j'émmerge en entendant Maya rentrer de son job d'hôtesse d'accueil téléphonique de nuit pour centrale de taxi. Un bol de riz à l'oeuf cru et un café au lait de soja plus tard, je sors gaiment pour me rendre à la banque. Bonne nouvelle, mon compte en banque et ma carte de débit sont toujours valides après deux ans et demi le ventre à sec. C'est presque trop beau pour être vrai. Le prix du forfait de portable le plus abordable me rappelle à la réalité. 28€.
"Hum, hum. Votre attention s'il-vous plait.
Ceci est un message à l'attention de Free;
il y a un marché à prendre ici !"
Le temps est au beau fixe, je navigue dans les rues comme si j'y habitais depuis 10 ans.